Quand ils arrivent au CP, les élèves découvrent une nouvelle école, une nouvelle façon de fonctionner, de nouvelles disciplines mais aussi et surtout du nouveau matériel. Les cahiers en font partie.
Un cahier ! Rien de bien extraordinaire. C’est même un objet plutôt banal pour la majorité des gens. Mais pour un enfant de CP qui n’en a jamais utilisé, cet objet est à la fois surprenant et effrayant !
Ils en reçoivent plusieurs en l’espace de quelques jours ou même parfois quelques heures ! Chacun d’eux a sa propre utilité : écriture, mathématiques, sciences … Chaque discipline a son cahier !
Mais si le contenu des cahiers change selon la matière associée, le contenant, lui, sera toujours le même :
plusieurs feuilles agrafées ensemble et décorée avec une jolie page de garde qui donne envie d’aller voir dedans.
Les élèves sont ravis ! Autant de cahiers neufs c’est un peu Noël ! Ce sont les preuves qu’ils sont devenus grands !
Et puis, un jour, ce cahier, ils l’ouvrent !
Et là, malgré l’excitation d’avoir entre leurs mains un nouvel outil de travail, les élèves découvrent une autre sensation bien étrange : l’angoisse !
Oui oui ! L’angoisse ! Parce que, si nous, enseignants et adultes, nous plaisons à leur dire qu’ils ont « de la chance » car ils disposent d’un cahier tout « neuf » et « vide », il nous faut admettre une chose bien difficile :
NOUS LEUR MENTONS !
(Je sens déjà que certains ne comprennent pas à quel moment ils ont menti. C’est normal car ce mensonge est involontaire)
Ce cahier n’est pas vide !
Si vous ne me croyez pas, ouvrez un cahier d’écolier et regardez bien !
Chaque page est déjà couverte d’encre ! Plein d’encre ! Des couleurs ! Il y en a partout !
Et qu’est-ce qui y est tracé ?
DES TRAITS !
Des traits, des traits, encore des traits, toujours des traits !
Voilà ce que les enfants voient en ouvrant un cahier pour la toute première fois !
Un peu comme les barreaux d’un prison : ils sont là, mis en tous sens, rapprochés, espacés, rouges, bleus, verts … QUe faire avec ? Pourquoi ? Comment s’en dépatouiller ?
Il y a de quoi regretter d’être devenu grand en même pas 10 secondes !
(Au moins ça leur donne un avant-goût de leur première facture, leur premier PV ou leur première fiche d’imposition. Il regretteront vite leur premier cahier après ça ! ;-p)
Avant de passer au travail sur cahier avec mes CP, j’ai pris cette année du temps pour les familiariser avec ce nouvel outil.
Attention, cela ne veut pas dire qu’avant je ne le faisais pas ! La différence est que cette année, j’ai bloqué dans mon emploi du temps deux séances entières pour donner le temps à mes élèves d’observer leur cahier, de chercher à le comprendre et de poser les questions qui leur venait à son sujet.
En un mot, nous avons EXPLICITER le cahier dans les moindres détails !
Mise en garde : N’attendez pas du descriptif qui va suivre une recette miracle qui rendra vos élèves hyper soignés avec une capacité à se repérer dans l’espace-feuille hors du commun. Cette façon de procéder a « seulement » permis à mes élèves de mieux comprendre cet outil. Avec le recul maintenant, je trouve que cela les aide aussi à prendre du recul dans leur gestion de « l’erreur de présentation ». Certains sont parfois démoralisés à la vue de leur cahier où tout est écrit comme sur des vagues, avec des espaces immenses entre deux lignes d’écriture et d’autres réduit à une peau de chagrin. Ce n’est presque plus le cas aujourd’hui car les élèves savent qu’un cahier, c’est difficile à lire, à comprendre et à maîtriser. C’est un défi en soi !
Jusque là, j’utilisais une version très imagée (avec des rues, des maisons, des étages … plus d’infos par ici) pour que les élèves se repèrent dans leur cahier et cela fonctionnait bien ainsi.
Mais cette année, j’ai eu face à moi des élèves ayant beaucoup de mal à se gérer (tant dans le travail que dans le comportement). Il m’a fallu du temps pour comprendre pourquoi ils se comportaient difficilement durant des séances qui avaient fait leurs preuves les années précédentes.
Et puis un jour l’un d’eux m’a dit « Ouais, ça va ! J’suis pas un bébé ! ».
Eurêka ! C’était donc ça !
Le côté « imagé » ne leur parlait pas. Ils avaient l’impression que je les prenais pour des bébés, eux qui avaient déjà beaucoup de maturité en eux.
J’ai donc revu totalement mon approche pour mettre en oeuvre une démarche de découverte du cahier plus directe :
Partir de ce que l’on voit et l’expliquer sans détour.
Tout ce qui va suivre semblera donc sans doute pour beaucoup complètement inutile car ce sont des choses évidentes ! Mais n’oublions pas que pour un enfant, rien n’est évident.
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Je pense donc qu’il est nécessaire de faire ce travail de « verbalisation d’évidences » pour offrir aux élèves la possibilité de mieux percevoir et saisir le monde qui les entoure. Certaines choses seront évidentes pour un plombier mais ces mêmes choses ne le seront pas pour un avocat. L’inverse est également vérifiable ! L’évidence dépend du point de vue et des connaissances de chacun dans son domaine. Cette « verbalisation d’évidences » est aussi un moyen de mettre les élèves en confiance avec eux-même et avec les autres. « Si la maîtresse demande ça, c’est que ce n’est peut être pas si facile à deviner, pourtant j’ai trouvé la réponse. Je sais donc des choses. Je devrais y arriver ! »
C’est en fait un simple principe d’engrenages : Quand la roue de la confiance se met à tourner dans la tête et dans le cœur de nos élèves, elle entraîne dans sa rotation la roue de la motivation. Et plus la roue de la confiance sera grande, plus celle de la motivation ira vite. (Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la physique ! ;-)).
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Voici un PDF qui reprend les explications qui ont été découvertes, devinées ou apportées aux questions des élèves au cours de l’observation des pages de leur cahier.
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