Idée de départ
L’an passé, je me suis retrouvée face à certains élèves en très grande difficulté face à la lecture :
- des élèves non-francophones parvenaient difficilement à mémoriser les lettres de notre alphabet et les phonèmes associés
- certains encore, francophones de naissance, n’arrivaient pas à retenir le son de chaque lettre (notamment pour les sons proches) et se retrouvaient ensuite totalement bloqués lors d’activités de compréhension de lecture. Lorsque le mot était décodé, les élèves étaient tout à fait capables de me dire quel était l’objet nommé, pourquoi on en avait besoin, où on se trouvait … De ce fait, comment pouvais-je cocher « non acquis » à la compétence « compréhension » alors que leur souci était avant toute chose la difficulté de décodage.
- de nombreux élèves encore se perdaient dans la lecture des syllabes : ils oubliaient les deux premières syllabes en décodant la troisième, ne pouvaient alors plus décoder ni comprendre le mot lu, inversaient des lettres ce qui changeait le sens du mot ou le rendait incompréhensible …
Autant de difficultés qui m’ont fait me questionner sur ce sujet du décodage qui était finalement très « visuel » alors que mes élèves semblaient être plus « auditif« .
Je voulais donc leur trouver un outil qui leur permette:
– d’alléger leur tâche de décodage de manière autonome
– de réduire la complexité de cette même tâche pour centrer leur attention et leur apprentissage sur la compréhension pure (quand c’était le but),
– d’avoir droit à un « coup de pouce » pour accéder plus facilement aux sons qui leur manquaient pour décoder un mot et ainsi mieux comprendre ce qu’ils lisaient sans pour autant épuiser toute leur concentration sur la tâche de compréhension des mots et, par la suite, du texte.
Fabrication du synthéti’sons
J’ai donc mené des recherches sur le sujet puis j’ai reçu un jour à on école un livre « spécimen » d’une nouvelle méthode de lecture des éditions RETZ nommée « Lecture Piano ». L’étude des sons s’y fait entre autre par la manipulation d’un piano en carton dont chaque touche correspondant à un lettre/phonème.
Ce piano en carton fut une réelle inspiration et une partie de la réponse à mon propre questionnement car je souhaitais finalement créer un vrai « piano de lecture » pour permettre à mes élèves de réellement manipuler les touches, les sons, …
Il me semblait être un excellent moyen de « faire jouer la lecture » comme on joue de la musique et de mettre ainsi en pratique ce que je disais à mes élèves en classe :
Chaque phrase, chaque mot, chaque syllabe est comme une mélodie : on doit le composer en respectant l’ordre des lettres pour pouvoir la décoder, l’entendre et la comprendre.
Si un musicien se trompe dans ses partitions, on l’entend et le remarque très vite parce qu’on ne reconnait plus la musique qui nous plaît tant. En lecture c’est pareil : si on inverse des sons on n’y comprend plus rien.
Les parallèles entre la lecture et la musique peuvent être nombreux et parlants pour les enfants d’autant que, je l’ai remarqué depuis quelques années, une grande partie des élèves éprouvant des difficultés en lecture développent bien des compétences dans d’autres domaines comme que les disciplines artistiques et musicales. Transformer la lecture en musique concrète et pratique m’a paru être une voie à suivre qui permettrait de raccrocher et de motiver les élèves ayant moins de facilités.
Je suis donc partie à la recherche d’un synthétiseur (plus pratique et moins encombrant qu’un piano dans une classe !) avec dans l’idée de le « modifier ». Mon envie de base était de « vider » le synthé de toutes ses notes de musique pour y programmer tous les sons de la langue française et créer ainsi un nouvel instrument : le Synthéti’sons.
Malheureusement, la technologie et mes connaissances limitées dans ce domaine m’ont vite fait comprendre que je ne pouvais pas réaliser cet outil avec l’instrument que j’avais récupéré. 🙁
En attendant de pouvoir trouver une solution efficace, j’ai opté pour un fonctionnement plus artisanal (et même archaïque je pense).
Après plusieurs brouillons et réflexions, j’ai finalement organisé le clavier ainsi :
- les voyelles sont sur les touches noires en partant de la gauche (avec aussi les sons ou, au/eau, oi, ai/ei)
- les consonnes sont sur les touches blanches à la gauche du clavier
- les sons complexes de toutes sortes se trouvent répartis sur les touches noires et les touches blanches, sur la droite du Synthéti’sons
Actuellement, faute de technologie suffisante, lorsque les élèves en difficulté ont du mal à décoder un mot, il leur faut donc produire eux-mêmes le son de chaque touche pressée pour le construire . Lorsque cela leur est encore trop difficile, un camarade peut venir à leur secours en produisant le son demandé par l’élève, après manipulation. Une fois le mot décodé et entendu, l’élève peut alors se concentrer sur sa compréhension et le travail qui l’accompagne.
Voici le synthéti’sons actuel présent dans ma classe :
NB : les couleurs présentes sur les touches correspondent aux couleurs des clochettes Montessori que nous utilisons en musique pour décourvrire les notes. Ces couleurs permettent donc de faire un lien entre les notes, les clochettes et le synthé pour que les élèves composent leurs propres mélodies.
Le synthéti’sons rêvé
Actuellement, le synthéti’sons est encore bien loin d’être abouti par rapport à mon idée de départ. 🙁
Secrètement, je rêve que cet outil :
- propose une réelle manipulation et une lecture audible de tous les sons existants et utiles à la lecture de la langue française
- classe les sons au fils de l’année, afin de correspondre à l’organisation voyelles / consonnes / sons complexes de la progression suivie
- propose sur chaque touche un son (ex : [k]) et ses différentes graphies (ex : c, q, qu, k) ainsi qu’un dessin de référence au son (ex : cabane).
Mais le principe même d’un rêve c’est d’être poursuivi et atteint non ? 😉
C’est pourquoi je ne lâche pas l’affaire et me penche, depuis quelques temps et grâce aux conseils et à l’aide de spécialistes en la matière, sur une alternative au Synthéti’sons qui serait plus numérique, ludique et encore plus accessible aux élèves mais aussi à tous les enseignants .
Si une solution viable est trouvée, promis, vous serez les premiers prévenus ! 😉
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