J’ai pu assister, lors d’une animation pédagogique proposée dans ma circonscription, à une conférence de Mme Danièle Dumont portant sur le geste d’écriture. Voici comme promis une mise en page rapide de ma prise de notes pour les intéressés.

 Pour débuter son propos, Mme Dumont nous a rappelé l’objectif premier de l’écriture :

se faire comprendre, produire du sens !

Partant d’une image très révélatrice montrant un ange demandant à Dieu s’il fait Adam « de bouts » (d’os), Dieu lui répond qu’il le fait « de boue » et d’autres anges entendent qu’il le fait « debout ».

Bref, trois propos oraux différents, qui sonnent pareil mais qui font qu’aucun des personnages ne comprend ce que l’autre dit.

De même que le vocabulaire utilisé par les anglais et les américains ne signifie pas la même chose dans tous les pays:

first floor peut signifier « rez-de-chaussée » mais également « 1er étage »

11/12 peut indiquer le 11 décembre ou le 12 novembre

Il est rapidement précisé qu’il faut également penser à ne pas confondre écriture et calligraphie quand nous préparons nos séances et corrigeons nos copies.

La calligraphie signifie la belle écriture, l’art de bien former les caractères d’écriture manuscrite.

L’écriture est un système de signes graphiques servant à noter un message oral afin de pouvoir le conserver et/ou le transmettre.

L’écriture, même à l’ère du numérique reste indispensable car pour de nombreux documents administratifs, l’écriture manuscrite reste la seule option (par exemple pour se porter caution d’un appartement, pour ouvrir un contrat EDF …).

Si l’on ne sait pas écrire, on devient rapidement un handicapé social car l’on rencontre très vite des difficultés de communication et de compréhension qui entravent nos capacités d’insertion dans la société.

Mme Dumont nous a également mis en garde, grâce à la projections d’articles de journaux, face aux catastrophes naturelles. Le lien avec l’écriture n’est pas de suite apparu à mes yeux. Puis, après une explicitation de sa part, tout fut plus clair :

Réchauffement climatique => multiplications des catastrophes naturelles => gros dégâts matériels => pannes et coupures électriques => pas d’ordinateur, pas de téléphone … RIEN d’autre que l’écriture pour communiquer. Ses phénomènes se développant de plus en plus, la maîtrise de l’écriture manuscrite reste donc primordiale, même au XXIe siècle !

De même, la maitrise du geste d’écriture est indispensable pour pouvoir mener à bien sa scolarité.

De nombreux adolescents viennent en rééducation d’écriture car, à cet âge, de nombreux élèves perlent leur écriture (pour des raisons diverses et variées). La prise de notes rapides leur devient alors extrêmement compliquée voire impossible ce qui nécessité une intervention de rééducation pour leur permettre de pouvoir poursuivre leur cursus scolaire dans les meilleures conditions possibles.

Des exercices pour se mettre à la place de l’élève

Pour nous mettre en situation d’apprentissage, nous avons d’abord réalisé un exercice d’écriture qui nous a vite fait comprendre les difficultés que pouvaient rencontrer nos élèves en classe.

Nous avons dû écrire le mot « MERCREDI » en cursive mais et détaillant chaque geste que nous faisions : « Je pose mon crayon sur la ligne principale puis je monte pour faire un pont qui touche la première ligne, je redescends jusqu’à la ligne principale et remonte de suite pour … ».

« Allez ! Vite vite ! Il y en a qui ont déjà fini ! Mais dépêchez-vous ! … Stop ! C’est terminé ! » Bref, je n’avais écrit que cela lorsque le temps fut écoulé.

Conclusion de l’expérience : L’enfant ne peut pas saisir le sens de ce qu’il écrit car il est trop concentré sur la trajectoire de son outil.

Or, comme dit au départ, écrire c’est produire du sens !

Le deuxième exercice réalisé portait sur le tracé sur des pointillés qui est souvent fait en classe, notamment en maternelle pour « maîtriser le geste ».

Mme Dumont nous a donné à chacun le petit papier ci-dessous que nous avons pris à l’envers et sur lequel nous devions repasser en suivant les pointillés. Cet exercice fut très complexe à réaliser car nous étions tous concentrés sur les pointillés afin de ne pas faire d’erreurs.

Conclusion de l’expérience : qu’avons-nous appris ? Rien ! Aucun de nous n’était capable de dire ce qu’il avait écrit ni même les lettres exactes utilisées … C’est pareil pour les élèves en classe. Repasser sur des pointillés n’est pas porteur de sens ni pour nous, ni pour nos élèves. Impossible donc de retenir ce qu’on fait ni même le geste. De ce fait, il n’est pas possible d’améliorer son écriture.

Le troisième exercice portait sur une image projetée où l’on voyait la petit canari Titi, couché dans son lit avec un livre ouvert entre ses mains.

Deux questions nous ont été posées : Où est Titi ? Que fait-il ?

Les réponses ont été très nombreuses et très différentes :

Dans son lit / Titi est dans son lit. / Il est dans son lit / …

Titi lit. / Il lit. / …

Toutes ses réponses aux questions sont valables. Comme beaucoup des réponses que nos élèves nous fournissent. Or, très souvent, nous n’en retenons qu’une ce qui met les élèves en défaut : « Pff, moi on prend jamais ma réponses ! On n’a pas pris ma phrase alors j’ai faux. Mieux vaut que je ne fasse rien vu que je fais faux ! … »

Il faut faire prendre conscience aux enfants que OUI nous sommes tous différents, que NON on ne pense pas tous la même chose mais que MÊME SI nos réponses sont différentes, elles n’en sont pas pour autant fausses.

Le quatrième exercice proposé a été la réalisation du dessin d’un pied. Nous avons tous dessiné un pied humain mais d’autres réponses aurait été valables : pied de table, pied de tomate, …

La thèse et le lien entre écriture, lecture …

Mme Dumont nous a également rapidement développé sa thèse dont voici le descriptif général :

Notre recherche porte sur l’écriture des lettres minuscules cursives manuscrites latines en usage dans les écoles françaises. Nous avons fait l’hypothèse que cette écriture, produit de l’école française, constitue un système dont nous pouvons désigner les éléments et définir le fonctionnement. Cette hypothèse ouvre sur la perspective que la prise en compte de ce système pourrait être une aide à l’apprentissage de l’écriture. Notre choix est conforté par les résultats des neurosciences qui montrent qu’écrire à la main serait une aide à l’apprentissage de la lecture. A partir de l’analyse de commentaires sur la lisibilité d’un corpus d’écritures manuscrites, nous montrerons comment est construit ce système et quelles relations hiérarchiques et fonctionnelles ses éléments entretiennent entre eux. Nous y verrons que le cœur du système s’organiserait en deux unités minimales, déclinées chacune en une forme de base et deux dérivées pour l’une, trois dérivées pour l’autre. Le système constitué par l’ensemble de ces sept formes permettrait d’écrire toutes les lettres minuscules cursives latines en usage en France. En ouverture vers d’autres projets, nous avons mis ce système à l’épreuve de la reconnaissance des lettres par des enfants d’école maternelle. Nous avons constaté une amélioration du score entre avant et après une séance d’observation commentée collective. Cette recherche sur le système d’écriture des lettres minuscules cursives latines nous a conduite à avancer des propositions pédagogiques pour l’enseignement de l’écriture.

source : http://www.theses.fr/2013PA05H004

L’écriture est donc, de par sa définition, un système. De ce fait, elle est faite de maillons, d’engrenages, qui se touchent et interagissent entre eux pour pouvoir faire fonctionner la machine convenablement et durablement. Voici le schéma résumant les principes développés et abordés lors de la conférence (photo de mauvaise qualité prise durant le diaporama de la conférence).

Le geste d'écriture

La tenue de l’outil scripteur

Une petite mise au point rapide sur l’importance du positionnement des doigts sur le crayon.

L’outil scripteur doit être tenu entre le pouce et le majeur afin d’avoir un bon maintien de l’objet et garantir une stabilité du geste. L’index repose sur le crayon et ne fait que « guider » le mouvement. Le crayon doit être dans l’axe de l’avant-bras. Là encore, rappelons-nous que nous sommes tous différents et la position des doigts peut varier légèrement d’un individu à l’autre : pouce et index collés, proches ou totalement séparés … De ce fait, un guide-doigt ou un bracelet d’écriture ne sont pas des solutions pour l’apprentissage de la tenue du crayon. Ce sont surtout des prothèses et donc une contrainte qui ne va pas apprendre à tenir son crayon, mais seulement à plus se crisper et à fatiguer le scripteur. Notons également que le degré d’inclinaison de l’outil scripteur dépend justement de ce même outil : un crayon de papier peut être tenu plus penché qu’un stylo.

Pour véritablement « apprendre » la tenue du crayon, plusieurs jeux ont été proposés et brièvement détaillé :

  • le jeu du bouchon qui consiste à propulser un bouchon de lait avec son index en « collant » son pouce et son majeur
  • faire des boucles sur une feuille de peinture (la main se trouve alors posée sur la table, sous la feuille afin de ne pas salir la manche de l’élève
  • tenir un cotillon dans sa main (plutôt qu’un mouchoir qui désolidarise les doigts) en refermant son annulaire et son auriculaire dessus (seuls les trois doigts nécessaire à la tenue du crayon sont alors disponibles.

Après plusieurs autres petits exercices rapides (que je n’ai plus en tête malheureusement) nous nous sommes aussi vite rendu compte que le poignet n’est pas indispensable dans le geste d’écriture : il doit être posé sur le support pour écrire. Les doigts, seuls, bougent et font tout le travail !

NB : écrire avec un critérium est un bon moyen de « détendre » son geste car si on met trop de pression dans la main, les doigts … la mine casse. Si ça casse c’est que nous sommes trop crispé sur notre outil et donc que nous nous fatiguons !

Concernant les lignes d’écriture, il a été clairement expliqué qu’il ne sert à rien de placer un point d’attaque des lettres sur des lignes lors des séances de copie. En effet, lorsque l’on écrit en cursive, toutes les lettres peuvent avoir différents « points d’attaque » qui varient selon le mot que l’on écrit, la place où la lettre se trouve dans le mot et selon la lettre précédente …

Exemple donné : écrire en cursive « b-i-b-e-r-o-n » puis « biberon ». Il est facilement remarquable que les lettres n’ont pas un seul point d’attaque.

Il est donc conseillé de définir des zones d’attaques, des espaces approximatifs où la lettre peut démarrer (colorier les interlignes un carreau sur deux) plutôt que de définir les lignes par des couleurs où des noms. Le but est d’écrire, de produire du sens et donc d’être compris, pas de faire une copie parfaite de ce qui est au tableau.

Il est aussi important de mettre en avant l’apprentissage d’un processus d’écriture. Pour remarquer cela nous avons écrit une même phrase deux fois : la première fois avec les yeux ouverts, la seconde avec les yeux fermés.

Voici ma propre production :

Le geste d'écriture

La conclusion est simple : mon écriture n’a pas changé entre les deux phrases. Certes, la deuxième phrase n’a pas suivi la ligne principale. Mais le geste lui n’a pas changé, ma main l’a reproduit. Il n’y a donc pas de guidage visuel du geste d’écriture, mais simplement un contrôle visuel.

Nous avons ensuite dû reproduire une forme constituée de traits courbes et droits en tous genres que voici :

Le geste d'écriture

Cela fut difficile à faire et aucun de nous n’a reproduit cette figure de la même manière. Puis nous avons reproduit un ensemble de formes géométriques plus simple à réaliser car nous pouvions identifier et nommer très facilement les composantes du dessin. Voici mes productions personnelles :

Le geste d'écriture

Cette petite mise à l’épreuve nous a ainsi révélé l’importance de bien nommer les formes de bases qui constituent les lettres (boucle, étrécie, jambage …). Cela permettra alors aux élèves de mieux les identifier, de mieux les reproduire et, donc, de mieux se focaliser sur le sens.

Une phrase fait énormément sens selon moi pour mes loulous : 

« Conduire son écriture c’est comme conduire une voiture : on ne s’arrête pas où on veut, quand on veut ! ».

La suite de la conférence a porté sur le processus de création des formes en deux unités, l’ordre d’apprentissages des formes (petite boucle, grande boucle, étrécie, rond …).

Détailler cette partie de la conférence par écrit ne serait pas très facile étant donné qu’il me serait compliqué de faire figurer les formes et les schémas explicatifs proposés par Mme Dumont.

J’espère néanmoins que cette petite mise en page de mes notes puisse être utile à ceux qui me l’ont démandé. Je vous conseille à présent de vous rendre sur le site internet ou les vidéos de Danièle Dumont pour avoir de plus amples informations sur le sujet.

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