Depuis plusieurs années, j’ai abandonné tout système de comportement en classe pour un fonctionnement qui relève plus de l’éducation des comportements » que de la « gestion ». Cette année j’ai opté pour un nouveau type d’affichage-référent : la boussole.
L’an passé, dans cet article, je vous expliquais la façon dont je comptais organiser la gestion de ma classe et vous glissais également les liens vers les articles qui éclairaient mon choix d’abandonner les systèmes de gestion de comportement (de type météo, couleurs, personnages …), que j’ai moi-même utilisé un temps mais avec lesquels je n’ai jamais été vraiment à l’aise.
Les deux dernières années, je n’avais donc affiché aucune règle de classe, ni positives, ni négatives.
Seule une devise ou un slogan, choisis par/avec les élèves, figurait au mur et résumait les grandes lignes directrices de notre classe (Respect, Partage, Aide …).
Ce fonctionnement relavant, à mon sens, plus des fonctions incombant à mon métier (oui car ATTENTION SPOILER : je suis enseignante, pas gendarme ou chien de berger lol) me satisfait parfaitement.
Mais alors, comment faire quand ils adoptent un mauvais comportement ?
Et bien quand ils font n’imp’ (oui parce que bon, on ne va pas se mentir ou tourner mille ans autour du pot, c’est souvent ce que notre petite voix nous dit : « Mais qu’est-ce qu’il/elle fait bon sang de bonsoir de bor…? » voili voilou hein !) et qu’on n’a plus de système de gestion des comportements, il faut se munir de plusieurs outils qu’on a souvent sur nous (NON, pas les mains ! C’est tentant mais c’est non ! Même si elles sont encore plus facilement accessibles ! C’est plus de problèmes que de solutions au final. Pour nous surtout ! :-S) :
une bonne respiration avec les yeux fermés histoire de ne plus voir la source du litige le temps de faire retomber la pression ;-p
de la patience (pas toujours facile à avoir sur soi mais si on ferme bien fort les yeux il est possible qu’elle vienne nous faire coucou en image mentale ;-))
et un objectif personnel motivant : « Allez, je respire, je prends le temps et je me répète en souriant « Ce n’est pas grave, ce soir je mange de la raclette* ! Je répèèèète … Ce n’est paaaaas grave, ce soir je mange de la raclette ! » 😀
* peut être remplacé par « Tout va bien, je sors au ciné avec mes amies ce week-end » ou « La nouvelle saison de ma série est arrivée sur Netflix ! » ou toute autre élément extérieur à l’école qui vous rend heureux mais, surtout, surtout, SURTOUT, on évite tout ce qui est en lien avec le ménage, les lessives, le repassage, les activités extra-scolaire des enfants, toussa, toussa, car, vraiment, ça n’aide absolument à relativiser ! Mais genre VRAIMENT PAS ! #casentlevecu
Donc, une fois que j’ai pris sur soi, que je pense à ma petite raclette, ma télé et tout le reste, je demande à l’élève de m’expliquer son comportement (en effet, de nombreuses situations m’ont déjà prouvé que la notion de vérité est souvent très difficile à définir selon les points de vue. Chacun à SA vérité et une mauvaise interprétation est possible. L’écoute et l »échange reste la base d’une bonne relation et d’une éducation constructive.)
Ensuite, l’élève est placé devant la devise ou le slogan pour réfléchir à l’élément qu’il n’a pas appliqué. (Selon les situations, il est possible de faire formuler le comportement adéquat qu’il aurait dû adopter et/ou qu’il adoptera à l’avenir.).
L’élève peut aussi avoir à réaliser un geste réparateur dans le cas où son comportement aurait causé du tord à quelqu’un ou autre. (l’affiche des Editions Pirouettes peut donner des pistes de ce qu’il est possible d’envisager selon les situations)
Mais ça doit te prendre un temps fou au quotidien à chaque « déviance » ?
Alors oui ! On ne va pas se mentir, c’est long à mettre en place tant dans l’invention de la devise que de la mise en œuvre en classe. Sans doute plus même qu’un système de gestion « classique ».
Mais on en gagne par la suite, vraiment !
Par ce système, il est possible de réaliser une réelle éducation des comportements (attention, je ne parle pas ici du rôle des parents, de leur influence, de ce qu’ils ont fait ou pas, de ce qu’ils font ou pas, ce n’est pas le sujet d’ailleurs. Je parle purement et simplement ici du devoir de l’Ecole qui est un des premiers lieux de vie collectif de chaque individu et qui doit préparer ces mêmes individus à devenir des citoyens, au sein d’une société.)
Même si parfois c’est dur (car nous avons tous nos jours avec et nos jours sans, que les élèves AUSSI en ont et que la fatigue se fait parfois plus forte et parlante que la raison, pour eux comme pour nous), avec le recul et les « expérimentations » auprès des classes pas toujours évidentes à gérer (dans mon contexte particulier d’enseignement en tous cas), je vois bien les effets positifs de ce fonctionnement qui ne me fait très rapidement plus « perdre de temps ».
Le fait que cela se fasse relativement vite ne relève pas du « miracle pédagogique det Noël ». Cela vient surtout du fait que rien dans ce fonctionnement ne leur est imposé. Je ne leur dit rien (mis à part des termes de vocabulaire qui leur manque pour développer leurs idées). C’est au fil des discussions et des débats que leurs idées arrivent et que nous les mettons sur papier ensemble.
Quand on fait les choses nous-mêmes après autant d’heures de travail, on a envie d’en prendre soin. Du fait qu’ils sont eux-mêmes à l’origine des valeurs à respecter au sein de la classe, les enfants s’y plient assez rapidement.
D’autant que, par ce fonctionnement, je ne suis plus le « seul maître à bord ». Chaque élève est libre de conduire un de ses camarades devant la devise pour lui signifier, lui rappeler qu’il n’a pas respecté les valeurs collectives décidées ensemble et que de ce fait il entrave le bon déroulement de la vie de tous.
Le but n’est pas de demander aux élèves de rédiger des règles qui seront la base de jugement de l’enseignant ensuite. Cela reviendrait à leur donner du bois brut pour qu’ils en fassent des bâtons afin qu’on les frappe avec. Cela n’aurait aucun sens !
L’idée serait plutôt de leur laisser ce bois brut pour qu’ils en fassent un grand feu autour duquel chacun pourra venir, rire et plaisanter en grillant des chamallows. L’enseignant compris !
(Ben oui, j’aime bien les chamallows, je vais pas me priver alors que j’ai fourni le bois non ?! ;-p).
Et la boussole dans tous ça ?
Cette année je compte donc poursuivre dans cette même voie qui me satisfait bien plus que les systèmes de pertes ou de gains de points (ou autre) qui sont (mais cela reste bien sûr mon avis purement personnel) à la fois chronophage pour l’enseignant quotidiennement ou hebdomadairement (je ne sais pas si ce mot existe mais tant pis) et, surtout, bien loin de la réalité qui les attend hors de l’école.
Pour cette nouvelle rentrée, j’ai choisi d’abandonner l’idée de la devise pour me tourner vers une autre approche plus symbolique : la boussole.
Cet été j’ai pu visiter la Eis-Schoul, une école fondamentale luxembourgeoise fondée sur la pédagogie inclusive dont j’ai adoré l’approche en terme de comportements (il y avait pile poil tout ce que j’adore ! <3). Cette école dispose d’une charte, rédigée à la fois par les enseignants, les élèves, les parents d’élèves et les éducateurs intervenant dans l’école. Bref, par TOUS !
L’ensemble des valeurs de l’école est définit dans cette charte et résumé dans un seul instrument très évocateur : une boussole !
Pour bien saisir l’importance de la boussole, il faut partir de la définition même de l’objet :
Une boussole est un instrument doté d’une aiguille aimantée qui se dirige toujours vers le nord. Elle permet à chacun de se repérer et d’aller dans la bonne direction.
Elle est donc, dans le contexte de la classe, un repère pour aider les élèves à guider leurs comportements vers le « bien vivre ensemble », dans l’intérêt de tous.
J’ai donc, dès la rentrée, affichée en classe la boussole entièrement vierge afin laisser aux élèves la possibilité de l’investir. Plusieurs séances d’EMC ont été menées en classe sur les « bons et les mauvais comportements », « les émotions », … avec régulièrement des retours sur des évènements vécus dans la classe ou dans la cour pour leur faire prendre conscience que « vivre ensemble » nécessitait des accords de base. Plusieurs débats ont ainsi menés à l’émergence de valeurs qui réunissaient la majorité d’entre eux : le respect, les efforts, le plaisir, le soutien ont été les 4 premières à émerger.
NB : Au départ j’envisageais de ne mettre en place que 4 « directions » et donc 4 valeurs mais c’était sans compter sur la motivation et les idées toutes intéressantes de plusieurs élèves qui souhaitaient faire figurer plus de termes pour que la boussole puisse être le plus parlante possible. Donc, il y en a eu 4 autres. 😉
Nous avons donc décidé de mettre en mots 8 valeurs. Les voici, accompagnées des définitions (décidées en EMC et propres à notre vision du « Vivre ensemble » cette année) :
Netteté : Chaque information, chaque but, chaque élément doit être exprimé de manière claire et compréhensible pour être accessibles à tous.
Respect : Cela veut dire que nous vivons et travaillons ENSEMBLE en tenant compte des limites de chacun.
Empathie : Ce mot fait penser aux émotions. Il veut dire qu’il est essentiel d’écouter les autres, de se mettre à leur place pour percevoir ce qu’ils ressentent et pour essayer de les comprendre.
Tous capables : Ce mot fait le lien avec notre marché de connaissances. Il nous rappelle que rien n’est impossible. Chacun de nous a des compétences et mérite d’avoir une chance de les montrer.
Soutien : Il est important d’apporter son aide aux autres quand ils en ont besoin et d’être présent pour eux car ils le feront aussi si nous avons besoin d’aide un jour.
Plaisir : Dans notre classe, chacun soit se sentir à l’aide et bien dans sa peau. Nous devons tous faire en sorte que chacun soit heureux de venir apprendre, chaque jour.
Organisation : Elle veut dire qu’il est important de prendre soin de son travail et du matériel pour que tout le monde s’y retrouver et en profite dans de bonnes conditions.
Efforts : On essaye, on ne baisse pas les bras puisqu’on est Tous capables ! Il est important de croire en nous pour réussir.
NB : L’ordre des valeurs sur la boussole n’a pas vraiment d’importance mis à part le fait d’avoir placé les mots commençant par S, E et O sur les positions du Sud, de l’Est et de l’Ouest pour que la boussole puisse servir de pense-bête en QLM. C’est d’ailleurs pour cette même raison que nous avons choisi le mot « Netteté » à mettre au Nord au lieu du mot « Explication » prévu au départ. Avec les enfants, nous ne savions pas trop si cela se disait vraiment mais pour nous cela avait du sens donc nous l’avons gardé. 😉.
Chaque valeur s’accompagne, à la demande des élèves, d’un petit dessin qui la rend facilement identifiable.
La place de la boussole dans la classe
Si les devises de classe étaient affichées en hauteur et à la vue de tous les années passées, il en est tout autre cette année. En effet, les enfants m’ont demandé de la mettre plus bas pour qu’ils puissent la manipuler en tourner l’aiguille, quand cela leur semble nécessaire pour indiquer eux-mêmes à un camarade la valeur bafouée.
Ils ont donc choisi de la placer sous le tableau de la classe, face au coin regroupement pour une raison qui se suffit à elle-même :
« C’est devant le tableau qu’on se regroupe et qu’on travaille tous ensemble. « La boussole pour vivre ensemble » devrait se trouver là du coup ! »
Voilà donc notre boussole terminée (après une période entière de réflexion dessus !) et accompagnée des détails décidé en EMC (oui parce que parfois la maitresse se fait âgée et ne se souvient plus trop de tout ce qui avait été dit lors du conseil de classe donc un petit pense-bête est toujours le bienvenu ! ;-p).
Reste à savoir ce que la boussole indiquera l’an prochain … 😉
Voici, à titre indicatif pour les intéressé(e)s (car comme spécifié maintes fois dans cet article, tout l’intérêt de ce fonctionnement réside dans l’implication des élèves) les documents qui m’ont servi à créer l’affichage de notre boussole de classe. Peut-être cela pourra vous servir pour démarrer la démarche avec votre propre classe autour d’une boussole vierge.
NB : La boussole de base a été imprimée sur une feuille A3 (la version A4 était vraiment très petite pour être lisible et compréhensible). 😉
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