Devenir PE : histoire(s) d’un début de carrière

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Devenir PE : histoire(s) d’un début de carrière

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Remontée d’un article d’août 2018

Comme je vous l’ai dit il y a peu de temps, Être prof a lancé une campagne de soutien aux jeunes collègues prenant la forme de kits de survie.

J’ai eu la chance et le plaisir d’être contactée par leur équipe de rédaction pour rédiger un témoignage relatant les débuts dans la profession.

Étant donné que j’ai pu découvrir de nombreuses facettes de notre magnifique « profe-pa-ssion », cet article est très long (mais il aurait pu l’être plus encore ! ;-)).

Je souhaite donc bon courage à celles et ceux qui auront le courage de lire jusqu’au bout et espère qu’ils pourront grâce à lui se faire une idée plus précise des postes qu’ils pourront avoir en début de carrière.

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Quand on est enfant et qu’on imagine sa vie d’adulte, tout est toujours rose et merveilleux. Pour ma part, depuis le plus jeune âge j’ai fait part à mes parents que je voulais devenir maitresse d’école. Je pensais alors que la route serait facile et que j’aurais très vite ma propre salle de classe avec des élèves, mes élèves, sages, gentilles et sans difficulté. Mais le principe même d’un rêve est d’échapper au réel et, une fois le CRPE en poche, il faut savoir faire face à cette réalité à laquelle nos désirs n’avaient jamais songés !

J’ai changé de poste chaque rentrée durant 7 ans avant de pouvoir « enfin » poser mon cartable dans une école, une classe, un niveau. Ainsi, avant d’atteindre le but que je m’étais fixée étant enfant, j’ai d’abord pu goûter durant mes premières années d’enseignement à la réalité du terrain, à des postes divers et variés qui m’ont certes fait peur mais qui ont toujours su m’apprendre énormément.

PES, la différence entre « être » (enseignant) et « avoir » (sa classe)

Lorsque j’ai eu mon concours, je pensais que les portes de l’Education Nationale m’ouvriraient grand les portes d’une école pour pouvoir enfin faire ce que je voulais : enseigner. Mon cursus a déjà quelques années et le système a déjà changé depuis que l’année de PES s’organisait ainsi. J’occupais cette année-là deux postes : deux jours en élémentaire dans une classe de CE2 et un jour dans l’école maternelle voisine en MS-GS. Le vendredi était une journée réservée à de la formation continue. Evidemment, la charge de travail de cette année en particulier mais également des suivantes s’annonçait conséquente. C’est une chose à laquelle il faut très vite se préparer et c’est normal lorsque l’on débute : il faut prendre ses marques, ses repères, préparer la classe … Tout cela demande du temps, de la patience et du travail. Mais le fait d’avoir 3 niveaux de classes à gérer et à préparer n’était pas vraiment stressant comparé au fait que j’étais stagiaire et que j’allais de ce fait être visitée en classe par des formateurs et des conseillers pédagogiques plusieurs fois dans l’année pour espérer être titularisée. C’est aussi ce qui attend les PES actuellement et je sais combien ce n’est pas facile, surtout en début de carrière, d’accepter d’être observé, analysé, jugé et également souvent critiqué. Il faut se dire que la critique n’est jamais négative.

« N’oublions pas qu’être PES c’est être encore « en formation ». »

La critique permet donc d’apprendre et est toujours constructive. Il faut alors faire un gros travail sur soi pour l’accepter comme telle. Ainsi j’avais non pas une classe mais deux classes. Cependant, ces classes n’étaient pas les miennes. Elles étaient celles des titulaires, les directrices que je déchargeais. Elles ont été toutes les deux vraiment à l’écoute et m’avaient laissé « carte blanche » pour enseigner les disciplines qu’elles m’avaient confiées dans leur classe. En effet, quand on est en poste seulement quelques jours dans la semaine, il est évidemment impossible de tout enseigner. Dans ces cas-là, le plus souvent, la titulaire de la classe confie à son ou sa binôme des domaines des programmes à gérer de son côté. C’est ce qui a été le cas pour moi. J’étais tellement heureuse d’être maîtresse que je n’ai même pas réfléchi aux disciplines qui seraient les miennes et j’ai accepté tout ce qu’on m’a proposé sans discuter car après tout, si j’avais été l’unique maîtresse de la classe, j’aurais bien dû tout faire ! J’ai alors pris le parti de m’investir à fond dans la mission qui m’était confiée en me disant que cela me resservirait un jour. Même si je n’avais pas ma propre classe et que je ne pouvais pas l’organiser comme je l’entendais, j’ai eu la chance cette année-là d’avoir enfin des élèves. Et quels élèves ! Les premiers ! Ils valent tout l’or du monde.

Les compléments de temps partiels

Si l’année de PES ne permet pas de réaliser pleinement son rêve d’enfant, ce qu’elle fait vivre sur le terrain permet en revanche de former à une autre possibilité de poste possible dans les premières années de titularisation : les décharges de direction et les compléments de temps partiels. J’ai aussi pu goûter à ces postes que l’on n’envisage pas du tout en début de carrière. En tous cas, je ne les envisageais pas personnellement. L’année où je complétais des temps partiels, j’ai pu enseigner à tous les niveaux de classe de la PS au CM1 ! Maintenant, avec le recul, je peux dire que la charge de travail n’était pas plus conséquente que si j’avais eu ma classe à moi sur une année entière. Mais quand on débute, devoir chaque jour changer d’école, de niveaux d’élèves, de disciplines … ça fait très peur ! On se dit qu’on n’y arrivera jamais, qu’on ne retiendra sans doute pas le nom de tous les élèves, qu’on ne tiendra pas le choc. J’ai rencontré de nombreux collègues durant cette année de compléments. Ils m’ont tous gentiment accueillie et aidée. J’ai aussi eu la chance de découvrir des écoles et des fonctionnements différents qui m’ont servi plus tard pour penser mon enseignement et ma classe. Oui ce n’était pas tous les jours facile d’arriver le matin et de découvrir que je ne pouvais pas mener ce que j’avais prévu car il y avait eu la veille des imprévus dont je n’avais pas été informée. Mais ce n’était finalement jamais rien de grave. Dans ces cas-là, je faisais deux choses : je respirais un bon coup, je regardais mon cahier-journal, je modifiais l’ordre des activités de la journée afin de m’offrir du temps pour réorganiser la partie qui demandait des changements. Comme dit la « grenouille calme et attentive » de la méthode de méditation :

« La respiration, on l’a toujours sur soi et on peut l’utiliser pour faire face à ce qui ne va pas. »

Si cette méthode fonctionne sur des enfants, sur des enseignants débutants, cela devrait aller aussi ! J’ai dû respirer profondément plusieurs fois à mes débuts et surtout à la réception de mes postes.

Nommée le lendemain de la rentrée

A la rentrée de mon année de T1, je n’avais pas obtenu de postes et avait été placée en tant que ZIL en attendant le mouvement du jour de la rentrée et en espérant y obtenir quelque chose. J’étais donc en classe ce jour-là pour décharger une directrice quand mon téléphone a sonné pour me dire que j’avais obtenu un poste : une ouverture de classe en CE2 après comptage par l’IEN le matin même. Je devais alors m’y rendre avant 17h pour rencontrer l’équipe et prendre fonction dès le lendemain en classe. Il était 15h30, l’école terminait à 16h00 et j’avais 40 minutes de route … Je raccroche. Je respire profondément (encore). Je reprends le fil de la classe. La cloche sonne. Je renvoie les élèves. Je pars. On verra le reste plus tard. J’ai ainsi obtenu ma première classe rien qu’à moi. C’était une ouverture de classe et j’ai donc eu pour salle de classe une pièce qui était normalement réservée à l’art plastique. Je ne disposais pas de beaucoup de rangements libres pour mes affaires car un mur entier était occupé par des armoires remplis de peinture, de pinceaux … mais ce n’était rien. J’avais ma classe rien qu’à moi. Les soirées des premières semaines ont été chargées car j’ai passé beaucoup de temps à mettre sur pieds programmations, progressions et autres joyeusetés administratives et professionnelles que l’ont fait en général durant l’été. Sauf que pour le coup, l’été était fini et j’avais classe tous les jours. Je devais assurer un enseignement digne de ce nom, d’autant que je ne voulais pas me planter : j’avais enfin ma classe ! Je ne pouvais décemment pas anéantir mon rêve alors que j’étais si proche du but ! Là encore, j’ai pu compter sur des collègues au top qui m’ont bien épaulée, qui m’ont guidée, qui m’ont donné des supports et des conseils qui me servent encore aujourd’hui. Je les remercie de m’avoir ouvert si grands les bras et de m’avoir proposé leur aide car, comme toute jeune enseignante, je n’ai pas osé aller de moi-même leur demander cette aide qui m’a pourtant été si précieuse. Ce sont eux qui ont fait le premier pas, dès mon arrivée, ce jour de rentrée scolaire, à 16h45. Voilà donc un conseil qui devrait servir à chaque jeune enseignant :

« N’hésitez pas à demander de l’aide à vos collègues »

Si vous n’en avez pas comme ce fut le cas pour moi l’année où j’étais chargée d’école maternelle, à votre hiérarchie. Ils ne vous mangeront pas et, contrairement à ce que je pouvais croire à ce moment-là, ils vous comprendront aisément pour la simple et bonne raison que ce que vous vivez, ils l’ont certainement vécu aussi. S’ils sont jeunes et débutants, comme vous, alors ils vous comprendront parce qu’ils vivent la même chose et comme deux têtes valent mieux qu’une, vous pourrez vous aider mutuellement. S’ils sont expérimentés, ils pourront vous partager des informations, vous conseiller, vous guider… certes pas en direct dans la classe, mais en amont, ils pourront être sans aucun doute une épaule d’appui solide. Sans les collègues, il est parfois difficile et même impossible de surmonter certains postes.

La SEGPA : plus formateur qu’une formation

Là où l’importance de partager avec les collègues a pris tout son sens fut durant mon année passée en SEGPA. J’ai obtenu ce poste au 3 ème mouvement, la veille de la rentrée. J’ai téléphoné pour connaître mon affectation et on m’a répondu : « Vous êtes assise ? Non ? Asseyez-vous alors. Vous étiez la dernière de la liste à passer au mouvement. Vous avez obtenu un poste en SEGPA … à environ 1h de route de chez vous. ». Si jusqu’alors j’avais toujours eu la chance de travailler dans des villes étant à une quarantaine de minutes de route de chez moi maximum, cette année-là il a fallu s’adapter à cette nouvelle donnée. Mais ce n’est pas la distance qui m’a le plus effrayée en raccrochant. Je me répétais sans cesse : « en SEGPA ? … en SEGPA !! … Mais c’est au collège ça. Ce n’est pas pour moi. Il y a erreur. ». En effet, à aucun moment de ma formation, l’éventualité de travailler en SEGPA ne m’avait été présentée. Je ne savais à ce moment-là pas du tout que je pouvais m’y retrouver. J’ai alors fouillé sur internet pour comprendre ce qu’était véritablement une SEGPA avant de téléphoner à mon établissement pour prendre mon poste. Je peux l’avouer aujourd’hui : toutes ces étapes de questionnements et de recherches ce sont faites dans les pleurs, les larmes et les sanglots. Je ne savais pas ce qui allait m’attendre. Je savais juste que c’était loin de chez moi et dans un univers scolaire que je ne connaissais absolument pas. J’ai donc finalement téléphoné au collège en question et m’y suis rendue dès le lendemain … toujours en pleurant ! Une fois sur place, j’ai été accueilli par le directeur de la SEGPA et les collègues, tous expérimentés, qui avaient, comme moi, tous hérités à leur début d’un poste en SEGPA sans le vouloir mais qui ne l’avait finalement jamais quitté. Je me suis alors dit « Si autant de personnes restent de leur plein gré, c’est que ce doit être intéressant. ». Et là, ils ont tous vu avec moi pour aménager mon emploi du temps afin de simplifier au maximum mes allers et venues, ils m’ont tous présenté leur façon de travailler, ils m’ont fait un topo sur les 13 élèves que j’allais accueillir… Bref, ils ont tout fait pour rendre cette prise de fonction plus simple que je ne le pensais. Cette rentrée qui s’annonçait cauchemardesque est finalement devenue une des meilleures de toute ma carrière, pleine de partage, d’échanges et de bonne humeur. La SEGPA, personne n’y est formé avant d’y être posté. C’est un fonctionnement très différent de ce que l’on connait à l’élémentaire et c’est devenu, pour moi, la base de tout mon enseignement. L’année que j’ai passé en SEGPA m’a appris mille fois plus que toutes les formations auxquelles j’ai pu assister. C’est la SEGPA qui me sert de base dans toutes mes réflexions pédagogiques. Si vous êtes nommé.e en SEGPA, je peux vous assurer d’une chose : vous pleurerez certainement en y allant, comme moi, mais vous pleurerez aussi en la quittant, comme moi. Car en effet, si aujourd’hui je ne travaille plus en SEGPA, ce n’est pas parce que cette expérience m’a déplu. C’est uniquement à cause de la distance. S’il y avait eu l’année suivante des postes libres en SEGPA, près de chez moi, j’y aurai postulé sans aucun doute. Ce ne fut pas le cas. Mais il m’était nécessaire de me rapprocher de mon domicile afin de me préparer au mieux à devenir maman.

« Il faut savoir aussi une chose quand on débute : il est nécessaire et vital d’apprendre très vite à se préserver. »

Préserver sa vie personnelle et ne pas en faire trop au risque de perdre complètement pied et de ne vivre plus que le travail. C’est ce qu’il m’a fallu faire également et ce n’était pas chose aisée. Cela ne l’est toujours pas d’ailleurs par moment. Même si rien n’a pas été facile au démarrage, si les postes passaient et en se ressemblaient pas, j’ai à chaque fois trouvé dans les différentes classes un invariable important : les élèves. De la PES à la titularisation, des compléments à la ZIL, de la SEGPA à la direction d’école, j’ai pu exercer sur de nombreux postes différents au cours de mes débuts dans l’enseignement. Si tous ces changements et toutes ces adaptations ont été durs pour moi, cela aurait été encore plus difficile pour les élèves de devoir « subir » une enseignante qui ne voulait pas être là et qui ne faisait pas d’efforts pour accepter la situation. A chaque déception, c’est eux qui me motivaient à rester fidèle au poste et à aller de l’avant : « Ils n’y sont pour rien. Ils ont le droit d’avoir une maîtresse efficace. Alors bouge-toi ! ». Tous ces postes n’étaient pas du tout ceux dont j’avais rêvé petite. Jamais même je ne m’y étais imaginé pour la simple et bonne raison que je n’avais jamais entendu parler de certains d’entre eux. Et pourtant, il a bien fallu faire avec. Accepter est dur. J’en sais quelque chose. Mais c’est un passage inévitable si l’on veut pourvoir tirer bénéfice de chaque instant. Tous ces postes ont été très différents les uns des autres mais chacun a eu un effet sur l’autre. Chacun d’entre eux a pu me donner des clés pour avancer et surmonter les autres. Chaque année, chaque mois, chaque semaine, chaque jour, chaque heure et chaque seconde nous donnent de l’expérience. Chaque année, chaque mois, chaque semaine, chaque jour, chaque heure et chaque seconde nous permettent de faire un pas de plus vers l’objectif que chacun de nous se fixe. Et cet objectif je l’ai atteint et vous l’atteindrez aussi. Peut-être pas demain, non. Sans doute pas même. Mais un jour, il sera là, entre vos mains.

Une école … Votre école.

Une classe … Votre classe.

Des élèves … Vos élèves.

Tous très différents de ce que j’imaginais … de ce que vous imaginiez.

Des élèves tous très différents les uns des autres également.

Comme disait Nelson Mandela :

« Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. »

Voilà, selon moi, quelle devrait être la devise de tout jeune enseignant. Certes, les postes qui vous sont ou vous seront attribués ne vous vendront pas toujours du rêve sur le papier. Certes ils vous feront peur et vous feront même pleurer parfois. Malgré tout, chacun d’eux saura vous faire avancer, progresser et devenir un meilleur enseignant et un professeur compétent.

N’était-ce pas là votre rêve d’enfant finalement ?

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