Continuité péda et équipement professionnel

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Continuité péda et équipement professionnel

Je me permets de poser dans cet article quelques éléments qui me semblaient essentiels à saisir pour bien comprendre tout ce qu’a été la continuité pédagogique « côté enseignant ». Loin d’être un article de reproches envers qui que ce soit (enseignant, hiérarchie, parents ou autre), je pense surtout que ce petit « état des lieux » est utile, d’une part pour informer chacun de l’organisation inédite que cela a nécessité (qu’on n’imagine pas quand on n’est pas concerné et c’est bien normal) et d’autre part pour passer à des collègues ayant été très affectés par cette situation (financièrement, physiquement et/ou moralement) un message essentiel : Vous avez fait ce que vous pouviez avec ce que vous aviez, c’est déjà énorme alors ne doutez jamais de vous !

« Ben la maîtresse de ma fille, elle a fait que d’envoyer des mails. C’est pas normal quand même … »

« Le prof il a pas fait une seule visio, tu te rends compte ?! ».

« Loulou, il a eu que des exercices écrits et des vidéos Youtube pour avancer ! »

« Le confinement c’est cool pour toi : ça te fera 6 mois consécutifs de vacances cette année ! Ahahaha ! »

(Y a un doigt qui m’a démangé plus que les autres sur ce coup là. Je vous laisse deviner lequel O:-D)

Alors bon, en tant que prof, j’avoue avoir l’habitude d’en entendre des vertes et des pas mûres sur mon boulot et ma « vie de rêve » : travail, vacances, salaire …

Moi, ça me passe souvent au-dessus parce que je me dis que c’est comme tout : quand on n’y est pas confronté, on ne sait pas de quoi on parle et la critique est facile. Je préfère laisser parler les gens. 

Malgré tout je sais que cela affecte de plus en plus de collègues (encore plus en cette période si particulière) et le souci de ces dernières discussions, c’est qu’on attendait de moi de rebondir sur ces propos pour « critiquer » les façons de procéder qu’ont eu des collègues (qu’en plus je connais pas ni de près ni de loin !) pour s’adapter à la situation inédite des derniers mois.

Je ne l’ai évidemment pas fait et ne me permettrais jamais de le faire. En revanche, cela m’a fait comprendre que « côté parents » et « non-enseignants », il n’a pas toujours été facile de se rendre compte de la réalité de ce qu’a été (et est encore !) l’enseignement à distance.

Avant de parler un peu de ce qu’il a été, je souhaite en premier lieu m’attarder sur ce qu’il n’a PAS été …

Il n’a pas été des « vacances supplémentaires » !

(Bien au contraire même et, clairement, je prie pour ne plus jamais vivre ce genre de « vacances » …)

Il n’a pas été et ne sera JAMAIS et EN AUCUN CAS une preuve des compétences ou de l’investissement des enseignants pour la simple est bonne raison que chacun d’eux a fait ce qu’il pouvait avec ce qu’il avait.

Alors que chaque enseignant s’est retourné le cerveau afin de mettre en place, du jour au lendemain, un enseignement à distance qui puisse être accessible à tous ses élèves, peu importe leur équipement pédagogique (je ne m’attarderais pas trop sur ce point car entre ceux qui avaient un équipement complet (parfois acheté exprès pour le confinement) à ceux qui n’avaient qu’un smartphone pour communiquer en passant par les familles qui n’avaient pas de réseau, il y aurait de quoi faire plusieurs articles rien que sur ce sujet. Une chose est sûre, nous avons tous redoublé d’ingéniosité pour faire « classe à distance » ;-)), est-ce que quelqu’un s’est seulement posé la question de comment les profs allaient procéder pour enseigner durant cette période ? Quel matériel allaient-ils utiliser ?

Personne. (En tous cas pas à ma connaissance)

L’enseignement devait avoir lieu.

A distance.

Il devait être accessible à chaque élève.

Qu’importe son équipement.

Point.

Le reste,les profs se sont « débrouillés avec ».

Voilà donc un constat tout simple, en photo, car c’est plus explicite :

La continuité pédagogique, dans mon cas mais aussi dans beaucoup d’autres (pour ne pas dire tous !), n’a été possible QUE parce que j’avais un bon équipement personnel.

Alors, certes, nous ne sommes pas LA seule profession dans ce cas là, bien sûr, mais je ne vais évoquer ici que cette situation précise car je la connais mieux que les autres, parce que je l’ai vécu. Loin de moi l’idée de faire ici des généralités car, comme dans toutes règles, il y a des exceptions pour la confirmer. 😉 Je ne souhaite que rapporter ce qui a été vu et vécu autour de moi (ou chez moi 😉). Aussi, veuillez m’excuser si j’oublie de mentionner des cas de figures particulier ici. Je ne les connais malheureusement pas tous et je vous laisse le soin de les porter à ma connaissance en commentaires. Je me ferai un plaisir de les découvrir. 😉

Quand le confinement a été décrété, que le télétravail a été imposé à une majorité de personnes, que s’est-il passé dans les faits ? (là encore, ce n’est qu’un exemple et pas une généralité …).

Et bien mon entourage qui travaille dans des bureaux en très grande majorité ou dans des cas que l’ont m’a rapporté, les salariés sont rentrés chez eux avec tout le nécessaire pour travailler à distance (PC, souris, tablette…), le tout fourni par leur employeur. Certains mêmes avec une imprimante. D’autres avec l’ordre de conserver les factures de téléphone et d’internet pour que l’employeur puisse participer aux frais. Soit !

Et bien aucun enseignant n’a bénéficié de ça !

(Où en tous cas une très grande majorité).

Quand les écoles ont fermé, nous sommes tous retourné chez nous avec la même question qui nous trottait en tête quand nous étions arrêtés au feu rouge du coin de la rue :

« Mais comment on va faire ? ».

Certes des outils ont été mis à disposition (la classe virtuelle du CNED par exemple) pour permettre aux enseignants d’être prêts (autant que les serveurs en tous cas … ;-p #blaguedeprofconfiné) sauf que pour exploiter ces outils, il faut du matériel. Du coup, pour travailler, nous avons en grande majorité sorti NOTRE matériel.

Pour ma part je dispose d’un ordinateur, d’une souris, d’une imprimante (achetée en urgence au début du confinement car l’ancienne m’a dit adieu #RIP), d’une caméra HD, d’un smartphone et d’une tablette (reçue durant le confinement quand l’ancienne m’a quittée #RIPbis) que j’ai :

– soit acheté personnellement au cours des dernières années,

– soit reçu en cadeau par ma famille (SCOOP : Oui, les profs, à Noël ou à leur anniversaire, ils commandent des trucs pour leur faciliter le quotidien de classe ! Quel foufouserie ! Y a pas à dire, on sait faire la fête dans le métier … lol).

C’est donc grâce à mon matériel mais aussi grâce au réseau internet de bonne qualité que j’ai dans mon village (ce qui, là encore, n’est pas le cas de tous car je sais par exemple que certains collègues ont changé leur forfait de téléphone pour pouvoir faire plus de partage de réseau pour travailler plus facilement) que j’ai pu réaliser toutes les activités d’enseignement à distance comme :

– mener des classes virtuelles en groupe ou individuellement et participer aux réunions d’équipes,

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– créer des supports de travail et les partager aux familles

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– réaliser mes corrections grâce à des applications que j’ai acheté exprès pour cela,

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– réaliser des vidéos explicatives pour faciliter l’accès à l’enseignement (car tous les élèves ne pouvaient pas se connecter aux classes virtuelles …)

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– imprimer des documents à transmettre aux familles (et pour certains collègues, les poster à leurs frais !)

– Contacter les familles, par mail mais aussi par téléphone, afin de prendre des nouvelles, expliquer des choses pour individualiser et personnaliser les apprentissages, le tout depuis chez moi.

– et j’en passe …

Tout cela a été fait depuis ma table de salle à manger où la chambre de ma fille (je n’ai pas de bureau, ni à l’école, ni chez moi mdr) le soir, la nuit ou en journée quand j’avais du temps (et du calme !!!!) entre la « classe à la maison » de mes enfants, les impératifs de télétravail de mon mari, les rendez-vous audio ou visio, etc …

Tout cela a aussi été possible car je ne suis pas complètement novice en informatique. Il faut savoir que tous les profs n’ont pas reçu de formation en lien avec l’informatique, que pendant cette période de confinement, grâce à cet équipement et à mes connaissances d’autodidacte, je me suis sentie personnellement privilégiée d’avoir pu en disposer pour préparer un enseignement à peu près correct (on peut difficilement trouver un meilleur terme dans ce contexte je pense).

Quand de nombreux collègues ont passé des heures sur internet à regarder des tutos pour se former dans l’urgence, les connaissances dont je disposais déjà m’ont permis de mener un enseignement à distance sans trop de difficultés ou de perte de temps me laissant ainsi du temps pour faire classe à mes enfants (oui, parce que dans l’équation, il faut aussi prendre en compte que les profs aussi ont eu à gérer cela … Et, même si c’est notre métier, faire classe à ses propres enfants, à la maison, ben c’est un autre délire !! Si vous voulez tout savoir, comme maitresse à l’école, pour mes élèves, je suis « trop cool » et comme maitresse à la maison, pour mes enfants, je « crains » … MDR).

Je sais que ce point peut surprendre (en tous cas, quand je dis que tous les profs ne sont pas formés aux usages numériques autour de moi, ça surprend beaucoup !) mais c’est une réalité. Nous avons des formations en maths, en français, etc … mais à l’usage précis des outils numériques, très peu ! Alors sur leur utilisation dans un contexte d’enseignement à distance … Oulaaaah ! Cela changera sûrement dans l’avenir qui sait mais j’en doute personnellement beaucoup car cela demanderait un coût considérable en terme d’équipements.

Restons tout de même lucides deux secondes : Certes nous avons été nombreux à utiliser notre matériel perso pour travailler. Certes ce n’a pas été le cas dans beaucoup de secteurs privés. Mais honnêtement, est-ce réellement possible d’équiper CHAQUE PROF avec tout cela ? Peut-être … mais comment ? Aucune école, aucune commune, aucune circonscription, aucune académie ne peut équiper les enseignants ne serait-ce que d’un ordinateur convenable.

Certains me diront que c’est au ministère de le faire car c’est notre employeur.

Peut-être.

Mais on est combien à dépendre du ministère ?

Un nombre avec beaucoup trop de chiffres !

Personne n’a les reins suffisamment solides pour faire face à une telle dépense pour autant de personnes. Pas même le ministère, soyons réalistes.Y a plein d’autres frais à couvrir, plus urgents, avant de se pencher là-dessus.

Alors comment faire ?

Ben honnêtement, je ne sais pas !

Des solutions potentielles doivent exister si on y pense bien, ensemble.

Mais là, comme ça , tout de suite … Je ne vois pas !

Pour le moment, je ne me base que sur des faits. Le fait que les enseignants utilisent pour beaucoup leur matériel perso pour travailler et le fait que, par conséquent, tous les enseignants n’ont pas tous le même équipement.

Pourquoi ? Peut-être simplement parce qu’ils préfèrent (contrairement à moi qui est sans doute bien bête … ou même folle … ou pas … je ne sais plus quoi penser au final …) utiliser leur paye pour eux, leurs enfants, leur famille, leur vacances,  … Et certainement pas pour leur boulot.

Qui oserait honnêtement leur/nous en vouloir pour ça ?

Peu de gens je pense (où en tous cas uniquement les râleurs invétérés avec qui il est impossible d’échanger parce qu’ils resteront éternellement sûrs que les profs ne pensent qu’à eux.) car TOUT LE MONDE travaille dans ces mêmes buts !

Aussi, et comme je l’évoquais en début d’article, je tiens à adresser un mot à mes collègues :

ces collègues qui se sont sentis sombrer car ils ne maîtrisaient pas suffisamment les outils numériques si essentielles ces derniers mois,

ces collègues qui ont essayé de se plonger dedans, corps et âme, pour ne pas laisser tomber leurs élèves et dans l’espoir de ne pas creuser (encore plus) les inégalités engendrées par la situation,

ces collègues qui se sont épuisés en se formant seul(e)s sur le net

ces collègues qui ont découvert sur la toile et les réseaux sociaux des tonnes de supports et d’applications qu’ils ne connaissaient pas et qui leur ont laissé croire qu’ils étaient de « moins bons enseignants » parce qu’ils ne les utilisaient pas

A tous ces collègues,

NON ! Vous n’êtes pas en faute !

NON ! Vous n’avez pas « mal fait », ni aujourd’hui, ni hier et vous ne ferez pas mal demain non plus !

NON ! Vous n’avez pas à accepter les reproches qu’on pourra vous faire ni à croire qu’ils sont vrais

car

OUI ! Vous avez fait de votre mieux.

OUI ! Vous avez fait avec ce que vous aviez tant en terme d’équipement que de connaissances ou de temps.

OUI ! Vous avez essayé, appris, découvert, …

OUI ! Vous avez fait face à l’inédit, à l’imprévu !

OUI !

Vous êtes un bon enseignant

parce que, comme tout enseignant, vous faites chaque jour, pour vos élèves, énormément avec très peu.

Aussi, chers « non-enseignants » (que vous soyez parents-d’élèves ou juste spectateurs des chaînes d’infos en continu) comme pour VOUS, dans VOTRE métier, quel qu’il soit, c’est en se questionnant qu’on apprend et en échangeant qu’on comprend.

Un MERCI conviendra toujours mieux et fera à jamais plus de bien que des reproches qui risquent de causer beaucoup de dégâts et cela, peu importe le métier qu’on exerce.

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