Il y a des années où les élèves sont plus bavards et bruyants que d’autres. Cette année, ma classe se retrouve dans cette situation. Avant de lancer des activités en autonomie et du travail en demi-classe ou en groupe restreint, il a été nécessaire de travailler en priorité sur ce point sans quoi l’année risquait d’être ultra compliquée pour mes oreilles, ma voix et les leurs.
Le bruit dans une classe est normal. C’est même à mon sens indispensable et rassurant car je considère la classe comme une ruche qui fourmille d’idées, d’envies et de progrès. Mais le fond sonore doit malgré tout être maîtrisé pour permettre des apprentissages efficaces.
ATTENTION : Si vous cherchez une méthode miracle pour supprimer totalement les bavardages en classe, je préfère vous prévenir de suite que vous pouvez passer votre chemin. Cet article n’en proposera pas. Il vous présentera juste la façon dont j’ai procéder dans ma classe pour tenter de les réduire mais surtout pour les rendre moins gênants dans le contexte de classe.
On trouve souvent dans les classes des baromètres sonores de diverses formes pour indiquer aux élèves le niveau de bruit dans la classe. C’est effectivement très pratique et cela peut fonctionner mais, depuis quelques années je trouve que ce système (que j’ai utilisé aussi donc je parle en connaissance de cause ;-)) s’essoufle. Dans mon quotidien en tous cas, mon public y est de moins en moins sensible.
En réfléchissant un peu plus longuement sur les raisons de cette « non-efficacité », je me suis vite rendue compte que c’était assez évident :
1) c’est MOI qui gère le baromètre en fonction de MON niveau de tolérance au bruit (qui n’est pas celui de tout le monde). Dans certaines classes, le baromètre est affiché en classe avant même la rentrée des classes et avant même que les élèves aient pu y dire un seul mot. Dans ces cas là, pour eux, il fait « partie du décor ». Au même titre que le tableau ou les néons au plafond : il est là parce qu’il est là. C’est à la maitresse, elle l’utilise et ça s’arrête là. Ils ne mettent pas de sens derrière et c’est normal si ils n’ont pas pu éprouver son intérêt en amont de son installation.
2) avec ou sans baromètre, les élèves ne se rendent pas compte du niveau sonore de la salle de classe. Certes, quelques-uns sont capables de verbaliser un « mal-être » en disant « j’ai mal à la tête … il y a trop de bruit … » ou autre mais, même en le disant aux autres camarades de classe (ce qui marchait bien jusqu’au Covid dans mon cas personnel), ceux-ci se calment un temps … puis repartent de plus belle car ils ne se sentent pas concernés. Les élèves les plus bruyants ou bavards ne se rendent pas compte de l’effet que cela peut avoir sur les autres étant donné que, eux, ça ne les dérangent pas. C’est pourquoi il est d’abord indispensable de passer par une phase visant à faire prendre conscience du problème aux élèves.
Etape 1 – La prise de conscience par la visualisation du bruit !
Nous avons tous, en tant qu’enseignant ou simplement en tant qu’être vivant, une tolérance au bruit qui nous est propre. Elle varie d’un individu à l’autre et il s’avère que nos élèves sont des individus à part entière. Il sont leur propre tolérance et bruit. Cependant, il n’est pas évident pour eux de se rendre compte que ce niveau diffère de celui de tel ou telle camarade.
Dire qu’il y a trop de bruit n’est pas suffisant pour que les élèves saisissent l’impact qu’il peut avoir sur certains de leurs camarades de classe.
Le bruit reste une notion lié au monde de l’oral. Toutes les lectures que j’ai pu faire sur le langage oral m’ont permis de voir combien c’était difficile à évaluer. Il en va de même pour le bruit. Cela dépend de chacun !
Aussi, pour essayer de mettre tout le monde d’accord sur cette notion et sensibiliser les élèves à une sorte « d’empathie auditive », j’utilise en classe les Bouncy balls.
C’est une application gratuite accessible sur internet que j’avais découverte en formation il y a quelques années (mais il existe certainement d’autres appli semblables que je ne connais pas).
Le principe est simple : plus il y a de bruit, plus les balles vont bouger.
L’objectif est alors de faire en sorte que les balles ne bougent pas trop afin que chacun puisse travailler dans une classe calme et sereine.
Voici l’écran quand il n’y a pas de bruit …
… et quand c’est la foire à la saucisse au retour de la récré ! ;-p
Il est possible de modifier la sensibilité du micro en fonction des activités qu’on mène ou de personnaliser l’écran en changeant les balles en smileys, œils, etc … Ce dernier point relève de l’accessoire mais il fait toujours son effet.
Grâce à cela, les élèves « voient » le bruit qu’ils font.
Je leur dis que l’écran reflète l’état du cerveau de certains camarades sensibles au bruit.
Ils se rendent alors vite compte, pour le ballet plus ou moins rapide des balles sur l’écran que le niveau sonore de la classe engendre de l’agitation dans la tête des autres et, à cause de ça, c’est compliqué pour eux de se concentrer.
Une fois cette prise de conscience réalisée, on peut lancer avec les élèves des défis pour essayer de ne pas faire bouger les balles ou, au moins, les faire sauter moins haut. Même là encore, on peut vite se retrouver face à un mur car l’effet se dissipe vite pour une raison très simple : les élèves visualisent désormais le bruit mais ils ne savent pas le contrôler.
Pour aider ensuite mes élèves à améliorer le niveau sonore de la classe, j’ai choisi d’orienter la réflexion et le travail collectif sur l’élément-clé, source principale de bruit dans la classe, dont ils sont directement maître : leur voix.
Il est clairement évident qu’ils ne savent pas la maîtriser, qu’ils ne savent pas que celle-ci dispose d’une amplitude sur laquelle ils peuvent « jouer » (à la fois pour préserver les oreilles des autres mais aussi pour s’économiser eux-mêmes).
Il faut alors prendre le temps de leur faire découvrir tout le potentiel de leur voix.
Etape 2 – Comprendre en acquérant du vocabulaire
J’ai d’abord présenté à mes élèves la chansonnette « Chuchoti, chuchota » (plus d’info chez Charivari), très connue, que j’ai utilisé lors de mes années en maternelle. Ils en étaient tous ravis ! Normal ! Ils la connaissaient bien étant donné qu’ils l’utilisaient eux aussi en maternelle !!
Mais chassez le naturel, il revient au galop : une fois la comptine terminée, malgré mes propres chuchotements, ça repartait dans les tours en moins de 5 minutes ! 🙁
En observant les élèves et en discutant avec eux lors d’un temps d’EMC dédié au sujet du bruit en classe, je me suis vite rendue compte que si le bruit ne baissait pas, c’était simplement parce qu’ils ne comprenaient pas ce que je leur demandais !
Parler, chuchoter, murmurer, crier, présenter …
Pour eux, tout ça, c’est pareil ! Il n’y a pas de différence à leur sens. Ils n’en ressentent pas en vérité.
J’ai donc décidé de mener avec eux des séances quotidiennes, très courtes, sur le vocabulaire de la voix (Je vous partage mon support dans l’image ci-dessous. Il est inspiré des séquences d’Apprentilangues mais n’est pas aussi abouti car il a été créé dans l’urgence en début d’année lol).
Pour que les élèves comprennent, par lien de cause à effet, que pour agir sur le bruit, ils doivent d’abord agir sur leur voix nous avons mis en pratique ces termes de lexique lors de séances d’éducation musicale spécifique en répétant (et pas en chantant !!) les paroles de notre chant de la période selon des niveaux de voix différents.
Une fois que les élèves ont pris conscience du problème ET compris qu’ils pouvaient agir sur leur voix pour le bien de tous, il est possible de mettre en place un affichage explicite pour leur montrer clairement ce qui est attendu d’eux lors d’une activité précise.
Etape 3 – Agir individuellement pour l’intérêt collectif
Afin que mes élèves puissent savoir quelle « voix » ils peuvent utiliser, à quel moment et dans quel endroit, j’ai réalisé un affichage synthétique. Je l’avais créé il y a quelques années, inspirée par un document que j’avais vu sur un site internet mais je n’en retrouve plus la source exacte. (Si jamais l’auteur passe par là, qu’il n’hésite pas à me contacter pour que j’ajoute les références ici).
Cet affichage reprend les symboles du vocabulaire étudié lors de la phase 2 (ou des pictogrammes, au choix selon vos besoins/envies et votre classe) pour les associer à une « jauge sonore » présentant les différents niveaux de voix explorés en classe.
En voici le détail complet :
Cliquez sur l’image pour accéder aux affichages
Il y a 6 niveaux de voix différents. Cela peut sembler beaucoup pour des jeunes élèves mais ils s’en sortent très bien car, selon les moments de la journée ou le lieu où ils se trouvent, certains niveaux ne sont pas « disponibles ».
Par exemple :
– le niveau 5 (voix de récréation) n’est possible qu’à l’extérieur (lors des temps de récréation, comme son nom l’indique ;-))
– le niveau 4 (voix de présentation) s’utilise uniquement pour des prises de paroles bien précises et occasionnelles (quand on récite une poésie, qu’on fait un exposé où qu’on joue une scénette devant la classe).
– le niveau 3 est utilisé lors des activités habituelles (atelier dirigé ou groupe classe)
C’est uniquement sur les temps et espaces d’autonomie que les élèves doivent réellement opérer un choix et adapter leur niveau de noix (du 0 au 3).
Pour les guider, j’affiche la ou les « voix » à respecter (au tableau ou dans les espaces concernés – couloir, fond de classe …). Evidemment, le but est qu’ils deviennent autonomes et parviennent à s’auto-réguler. J’espère bientôt terminer cette phase de « modelage », qu’ils puissent progressivement se passer de ce guidage visuel afin de parvenir à travailler dans le calme, sans trop de bruit.
Mais chaque chose en son temps … 😉
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